• Description physique : Alexander H. D'Anceny n'est pas ce que l'on pourrait techniquement appeler un canon de beauté. Il n'a rien de ces capitaines d'équipe de rugby qui font rêver les femmes, ou l'impérial port de la maison royale. Cela fait bien longtemps que la noblesse de son sang s'est terni, un de ses aïeux ayant été déchu de la nobilité pour sa participation active et prouvée dans l'Armée Républicaine D'Irlande, pour autant, le jeune homme aurait pu hériter des traits renfrognés de son père, un vétéran de la Guerre du Vietnam, au visage constellé de tâches de rousseur, une tignasse d'une couleur indéterminée et une musculature impressionnante. Ce n'est pas le cas : Alexandre est plutôt de fine constitution, un regard clair et une belle chevelure brune, un léger sourire sur son visage un peu pâle. Il est resté très simple, et nombreux sont ceux qui s'étonnent lorsqu'il parle de son expérience militaire passée. Il garde simplement une cicatrice sur sa poitrine, souvenir d'un très mauvais coup de couteau cranté qui avait failli lui coûter la vie.
  
• Qualités : Alexandre est d'un calme à toute épreuve, ce qui l'a sauvé de nombreuses fois lorsqu'il dut se confronter à des situations épineuses. Il n'a pas le profil du tueur sans pitié, mais sait faire la part des choses entre les sentiments et l'importance de sa mission. C'est quelqu'un d'une agréable compagnie, curieux, cultivé, correspondant presque à la définition de l'Honnête Homme tel que l'on peut la retrouver chez les classiques. Bien plus qu'un simple agent d'intervention, il est aussi un bon écrivain qui connaît le succès, au moins à Arkan.
  
• Défauts : Malgré son calme apparent, Alexandre est souvent en proie au doute, peut-être à la réflexion stérile, du moins le pense-t-il, lorsqu'il tâche de raisonner sur le pouvoir de la ville. Dans sa quête entêtée pour sortir d'Arkan, il serait capable de tout expérimenter et de sombrer ainsi dans la folie de la ville. Sa solitude l'oppresse et cette menace latente de folie est lisible entre les lignes de ses écrits. Remarquant cette faille non négligeable, Alexandre a entamé un traitement à base de drogues diverses et autres introspections infernales.
  

"Alexandre Honor D'Anceny. 826 points."

Très bien. Il fallait se souvenir de ces 826 points. Sur 1000, c'était déjà un score plus qu'honorable, qui le classait pour l'instant le premier de sa promotion. Il avait eu du mal à conserver ce capital, chaque petit manquement, chaque erreur, même minime, même n'apparaissant pas au premier regard, entraînaient chez l'élève une perte de points inévitable. Il avait lutté, il avait déployé le meilleur de lui-même : être major de sa promotion à l'Académie Militaire Royale était un des achèvements de l'existence, quelque chose dont on pouvait être très fier, et qui ouvrait, sans l'ombre d'un doute, les portes des meilleures formations. Le jeune irlandais bombait le torse, sentant les regards converger vers lui. Surtout ce regard. Celui d'un rouquin aux épaules carrées, sa bouche esquissant en permanence une sorte de moue réprobatrice. Celui sous lequel il avait grandi et était devenu ce qu'il était désormais. Il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire triomphant. La cérémonie touchait à sa fin. Ses instructeurs lui avaient promis ce couronnement.

"William Larkin. 850 points."

Son coeur rata un battement et il tourna légèrement la tête sur le côté, pour distinguer le garçon imperturbable qui avait provoqué des hoquets de surprise dans l'assistance et une rumeur monta dans la foule. Alexandre était défait. L'humiliation. La défaite était déjà difficile à accepter, mais peut-être qu'avec le temps, il aurait fini par ne plus y penser et savourer sa deuxième place. Après tout, Alexandre avait toujours été à la seconde place. C'était un éternel perdant sur les podiums. Mais voilà. C'était William Larkin, le fils d'un descendant Earl Grey, un jeune homme imbu de sa personne, méprisant et cynique, un homme prêt à tout pour sa réussite. Et surtout, c'était le rival d'Alexandre. Larkin tourna la tête vers lui, et lui sourit. Voilà, semblait lui dire ce sourire, voilà, tu es encore perdant.

"Félicitations à tous les élèves. La RMA est fière de vous avoir compté parmi ses étudiants."

Un goût amère affreux. Celui de la claque. Mais bon, après tout, cet enfoiré de Larkin méritait sans doute cette première place. Misère.

Alexandre s'était rendu dans sa chambre pour préparer ses affaires et boucler son sac pour la dernière fois, à l'Académie. Son père était venu le féliciter, et avait tenté de relativiser l'échec de son fils. Mais quelque chose ne collait pas. Larkin était un connard effronté. Il ne pouvait pas avoir conservé autant de points. Il allait rendre son dernier rapport, et essayer de claquer la porte à tout cela. Il s'était avancé dans le couloir, et avait entendu des éclats de voix. Il reconnut sans peine celle du directeur et celle de... Larkin. Il s'était approché sur la pointe des pieds, et avait tendu l'oreille. Ce qu'il entendit lui donna envie de vomir.

"Je vous remercie, monsieur le directeur. C'est un excellent choix que vous avez fait. D'Anceny doit l'avoir mauvaise, mais ce n'est pas son destin."
"Faites bonne route, monsieur Larkin."

Alexandre avait posé son dossier et était parti, en se jurant que tout cela était terminé. Il avait dix-huit ans, des rêves plein la tête et l'amour de sa patrie dans la poitrine. Promotion 1994. Umbrella n'était pas encore sur le devant de la scène internationale.

Quinze ans plus tard...

"Contact à 2h !"
"Putain, mais ils sont partout !"
"C'est quoi ce bordel? Caporal..."

Les tirs fusaient, mais les soldats du commando ne savaient plus où donner de la tête.

"Lucia a été touchée ! On s'en sortira jamais..."

Alexandre épaulait son fusil. Les munitions allaient sans doute manquer. Dans quel bourbier ils s'étaient enfoncés? Il y avait ces créatures immondes, ces morts vivants qui se relevaient, et ces soldats, au milieu, qui tentaient de leur faire des trous. Bordel. Ce n'étaient pas les membres d'une simple milice. Pourquoi le général les avaient envoyés dans ce complexe soi-disant désaffecté? Savait-il qu'ils auraient ce genre de compagnie? C'est vrai, le moment était un peu mal choisi pour ce genre de réflexions. Alexandre plongea à couvert, évitant de se faire trouer la cervelle. Umbrella avait donc servi tout un tas de salades aux gens. Et ils l'avaient gobé, évidemment. Putain de merde.

Le regard clair du jeune homme se posait tout autour de lui. Tout n'était que cadavres fumants, qui n'allaient pas tarder à se relever. C'étaient des hommes d'élite, par Dieu ! Ils ne pouvaient pas crever comme ça... Lucia, William, Gary... C'était impossible. Mais bientôt, Alexandre fut le dernier debout. Il n'avait plus de munition, plus d'hommes, il était comme le dernier rocher contre la déflagration d'une vague sur la côte. Et il se sentait tout petit. Le chef de l'unité d'élite posa son fusil sur son épaule, et ricana. Il s'approcha de lui, le pas assuré. Alexandre ne se démonta pas. Il reçut un coup de pied violent sur son genou droit, le forçant à tomber sur le sol.

"Je crois que tu as mis le nez là où tu n'aurais jamais dû, gamin."

Il retira sa cagoule. Et Alexandre fit un bon d'une quinzaine d'années en arrière. William Larkin le narguait, encore et toujours, mais cette fois dans l'uniforme des forces spéciales d'Umbrella.

"Larkin?"

Le sourire de William s'élargit, prédateur.

"Tu vois, tu ne peux rien contre moi, petite merde. Même avec tes troupes d'élite."

Le canon de son arme se posa sur la gorge d'Alexandre. Il déglutit.

"Mais tu sais, je ne vais pas te tuer ici. Ce serait encore une victoire trop simple. Et entre nous, je n'ai même pas envie d'avoir ton sang sur les mains. Il est trop méprisable, petit Irlandais. Non, je vais faire mieux. Tu vas voir."
"Qu'est-ce que tu veux dire?"

Il n'y eut pas réellement de réponse. Larkin sortit une seringue de la poche de sa combinaison, et en enfonça l'aiguille dans le cou d'Alexandre. Un goût écoeurant s'infiltra dans sa gorge. Il porta les mains à son cou, fronçant les sourcils. L'air lui manquait. Il suffoquait, luttant pour aspirer un peu d'air. Le monde s'effaça progressivement. Il s'évanouit.

Combien de temps resta-t-il inconscient, il l'ignorait. Mais assez pour qu'il ne se réveille pas en plein milieu du vol qui l'amenait à Arkan. Ce qui faisait une trotte depuis Heathrow. Il se réveilla un autre jour, dans le lit de l'appartement qu'il occupait aujourd'hui encore, sans repère, avec juste un mot narquois de la part de Larkin et ses papiers.


Evidemment, il ne pouvait plus rien faire. Il ne pouvait pas agir dans la légalité, il n'avait même pas de port d'armes. Mais bien plus que sa quête de vengeance contre Umbrella et contre Larkin, il se rendit bientôt compte de la raison pour laquelle Larkin l'avait envoyé ici : la ville était étrange. Lorsque la nuit étendait ses ailes sombres sur la ville, les gens devenaient fous. Bientôt, il comprit qu'il était pris au piège, qu'il ne pouvait plus s'échapper d'Arkan, que les portes s'étaient refermées. Bordel de merde. Alors il pensa qu'il lui fallait comprendre la ville, l'apprivoiser, comprendre ce qu'elle lui voulait, pour accomplir sa tâche et s'échapper d'Arkan. La solution qui s'imposa fut d'écrire ce qu'il ressentait, ce qu'il voyait, ce qu'il entendait. Il rencontra rapidement un succès conséquent à Arkan, comme si la ville appréciait son travail. Voilà. L'agent D'Anceny, l'un des meilleurs agents des services secrets britanniques était désormais un écrivain de policiers à succès... Quelle ironie.